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VISITE DU VILLAGE DE LANAS

Un peu à l'écart des grands itinéraires touristiques quoiqu'implanté sur les bords de la rivière Ardèche, Lanas livre à qui sait lire l'architecture et l'urbanisme un agréable voyage dans le temps. Nous remercions Mme la maire de Lanas et l'association des Amis du Vieux Lanas pour leur accueil chaleureux et leur grande disponibilité.

lanas

En rive droite de l'Ardèche, Lanas est adossé au Gras, à la hauteur du confluent de l'Ardèche et de l'Auzon. Il se situe en face de Saint-Maurice d'Ardèche, les deux villages étant autrefois reliés par un gué, aujourd'hui par un pont. Si des traces d'occupation à l'Âge du Bronze sont identifiées sur le Gras, rien pour l'instant archéologiquement sur le site même de Lanas, ne permet de remonter plus haut que le milieu du xiie siècle, soit en 1154, date à laquelle un acte de l'évêque de Viviers confirme à l'abbaye Saint-André-le-Haut de Vienne toutes ses possessions dans le diocèse de Viviers, dont l'église Saint-Eustache du castrum de Lanas avec la paroisse et ses dépendances. Cependant, il faut noter le passage à proximité, en rive gauche, de la grande voie antique, bornée au iie siècle, et l'existence au hameau des Salles (commune de Balazuc) d'une villa où fut trouvé un remarquable sarcophage de marbre paléochrétien du ive siècle (issu des ateliers contemporains arlésiens). Les vocables de saint Eustache et saint Maurice (légionnaires martyrs) ne se diffusent pas avant le viiie siècle et saint Eustache connaît un grand succès aux xiie et xiiie siècles.
L'analyse du cadastre napoléonien conjuguée avec les observations sur le terrain, remparts, ruelles et parcelles construites ou non, permet de dire que le village actuel a conservé la majeure partie de sa topographie médiévale, avec quelques réajustements mineurs aux époques moderne et contemporaine, ce qui fait sa beauté et la qualité de son patrimoine. Deux lieux énigmatiques se situent hors les murs du castrum, l'église au nord et l'enclos à l'ouest en direction du Gras. L'église a été reconstruite et dotée d'un nouveau vocable au xixe siècle, alors qu'Eustache a migré à une époque indéterminée au sein du castrum. Le second lieu est une vaste parcelle, non construite au moins depuis le début du xixe siècle et ceinturée d'un mur de pierres, dont la vocation (enclos pastoral ?) reste à déterminer.

plan de Lanas

Le village s'est développé en amphithéâtre comportant deux demi-cercles concentriques, limité à l'est par le cours rectiligne de la rivière. Le noyau initial, situé au centre du village, est composé d'une fortification, un donjon accompagné d'un rempart et une tour de guet (actuelle chapelle Saint-Eustache) à proximité de la rivière. L'ensemble architectural que l'on pourrait dater du xiie siècle a une forme en escargot dont le pédoncule conduit à la sortie du castrum vers le gué. À noter avec Pierre-Yves Laffont que Lanas est une exception, c'est le seul castrum du Vivarais construit en plaine. Il est même implanté dans le cours majeur de l'Ardèche. Dès le xiiie siècle, Lanas est une coseigneurie, au moins trois seigneurs sont mentionnés possédant sans doute des tours dans le castrum. Un second développement urbain concentrique enferme (au xive siècle ?) avec un nouveau rempart le noyau primitif, deux tours appelées aujourd'hui château, situé à l'ouest, et l'habitat (bourg) qui s'est développé autour et dans les interstices des tours seigneuriales. Au xive siècle, on parle déjà d'un château vieux. La silhouette définitive du village est alors fixée. Le rempart, un peu modifié sans doute pendant les guerres de Religion puis plus tard, comporte quatre portes et une poterne. On retrouve en certains points des archères, mais pas de bouche à feu. L'ensemble des constructions sont faites en un matériau de calcaire gris kimméridgien, provenant des carrières locales (Lussas, Ruoms) à l'exception de la tour de guet primitive édifiée dans un autre matériau. Sur la parcelle dite du château, des pierres à bossage sont visibles à la base. La mise en œuvre est de grande qualité et se rattache à l'art roman du sud de la France.

à l'intérieur du village de Lanas à l'intérieur du village de Lanas

Toutes les parcelles du village méritent d'être étudiées pour obtenir des informations inédites sur la nature, la date des constructions, leur mise en œuvre, les chronologies relatives et pour affiner les grandes phases de cet urbanisme médiéval.

En visitant Lanas

L'église dont la situation hors les murs, le vocable ancien et son orientation nord-sud posent question, constitue à elle seule un objet de recherche passionnant, d'autant plus que les vestiges d'un édifice plus ancien sont visibles. À la fin du xiiie siècle, le compte de décime (redevance au pape) cite Saint-Maurice de Lanatio comme contributeur. Quels étaient les liens entre le prieuré de Saint-Maurice, dépendant des bénédictines de Lavilledieu relevant elles-mêmes de Saint-André-le-Haut, et Saint-Eustache, église paroissiale de Lanas ? Le lien historique entre Lanas et Saint-Maurice, sachant que jusqu'en 1845, Lanas fut une section de Saint-Maurice d'Ardèche ? Et que dire de l'enclos, s'agit-il d'un lieu de rassemblement de troupeaux en provenance et/ou en partance pour le Gras ? Cette hypothèse renforcerait l'importance d'un axe ouest-est reliant la vallée de la Ligne à celle de l'Ardèche et au-delà vers l'est en direction de Viviers, sur laquelle se trouvait Lanas.
Voici très rapidement brossé le portrait d'un village dont les potentialités d'étude sur son histoire et son architecture sont importantes. Il ne reste qu'à souhaiter avec la Société de Sauvegarde des Monuments anciens de l'Ardèche qu'une étude universitaire lui soit consacrée dans les années à venir.

Joëlle Dupraz

 

 

Bibliographie