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ÉGLISE DE SAINT-JULIEN-DU-SERRE

Bref historique

Sanctus Julianus de Serro apparaît pour la première fois dans le cartulaire de l’abbaye Saint-Chaffre du Monastier. C'est au xie siècle, plus précisément sous l'abbatiat de Guillaume III (1074-1086), que l'église déjà existante en ce lieu, qui dépendait du prieuré Saint-Pierre d'Ucel, fut rattachée à l'abbaye vellave1. On la retrouve dans les bulles pontificales d'Alexandre III en 11792 et de Clément IV en 12593 qui confirment les possessions de Saint-Chaffre.

église de Saint-Julien-du-Serre
plan

Plan R. Saint-Jean

 

L'église fut réédifiée au cours du xiie siècle. Elle ne comportait alors que la nef de deux travées voûtée en berceau plein cintre prolongée par une abside semi-circulaire que nous voyons encore. Un simple clocher-mur percé de deux arcades s’élevait probablement à la jonction du chœur et de la nef.

Mais au fil des siècles, de nombreuses adjonctions ont considérablement modifié l’aspect de l’édifice. Entre 1510 et 1550, trois chapelles gothiques vinrent s’accoler à la nef romane, provoquant le percement de ses murs. Ce furent d'abord deux chapelles de part et d'autre de la première travée de la nef, puis une troisième au sud du chœur, devenue plus tard la sacristie. Au xviiie siècle, une lourde tribune fut édifiée dans la deuxième travée de la nef pour accueillir la confrérie du Saint-Sacrement. En 1855, la chapelle nord est agrandie pour conférer à l’église un plan plus symétrique, formant ainsi avec la chapelle sud un faux transept, tandis qu’en 1874-75, le clocher qui, menaçant ruine, avait été refait à l'identique en 1626, est remplacé par celui que nous voyons de nos jours, posé à l’angle nord-ouest de la nef. Enfin, les fenêtres romanes ont été élargies et les énormes arcs-boutants qui contrebutent l’abside ont été construits à une date difficile à préciser.

Visite extérieure


À droite :
en haut : plaque sculptée ancienne en remploi
en bas : chapiteaux des colonnes encadrant la fenêtre trilobée

chapiteau chapiteau

En grès roux local parfaitement taillé et très finement jointé, le chevet semi-circulaire comporte cinq grands arcs en plein cintre soulignés d’un gros tore et reposant sur de volumineux chapiteaux sculptés. La fenêtre axiale est surmontée d’un arc trilobé un peu écrasé, forme que l’on sait inspirée du Velay voisin. Elle est encadrée par deux colonnes aux chapiteaux sculptés de palmettes d'où émergent un oiseau et un visage humain. « un ensemble de lignes et de formes paisibles » nous fait remarquer le père Bernard Nougier1.

Dans le mur au-dessus d’une autre fenêtre a été encastrée une petite sculpture méplate provenant sans doute d’une église antérieure. Deux oiseaux stylisés, de part et d’autre d’une croix, composent un ensemble rappelant les premiers décors chrétiens.


chapiteau de l'abside chapiteau de l'abside

Chapiteau de l'abside

Faisons maintenant le tour des chapiteaux.
Sur le premier à gauche, nous trouvons un couple étonnant : un quadrupède dont la queue, cordée, passe entre les pattes et se termine par un fleuron. La tête est très érodée, mais ce pourrait être un visage humain grimaçant. De l’autre côté, une femme-oiseau, tenant à deux mains la liane sur laquelle elle est perchée. Deux personnages qui peuvent symboliser la chute de l’homme vers l’animalité et le péché ou la tentation.

église de Saint-Julien-du-Serre, extérieur : chapiteau de l'abside église de Saint-Julien-du-Serre, extérieur : chapiteau de l'abside

Chapiteau de l'abside

Sur la partie droite de l’abside, un autre chapiteau est encore plus énigmatique : nous y retrouvons un quadrupède à tête humaine que tiennent, ou se disputent, deux personnages : l’un, à gauche, est nu, avec les pieds fourchus (est-ce le diable ?), l’autre vêtu d’une robe ample, un clerc peut-être. L’interprétation de cette scène a donné lieu à bien des suppositions. On peut y voir simplement un évangélisateur disputant un pécheur au démon, mais aussi y retrouver le thème de l’animal à visage humain, symbolisant la déchéance qui guette toujours l’homme.

portail Un des chapiteaux du portail

Un des chapiteaux du portail

Le portail, qui s’ouvre au nord, exécuté en granit clair, est d’une ampleur assez rare en Vivarais. Il est enveloppé de cinq voussures dont les angles rentrants sont garnis de gros tores. Quatre colonnes monolithes sont coiffées de chapiteaux, dont deux présentent un décor figuratif. À gauche, à côté de branches stylisées d’où s’échappe une tête, on retrouve le thème de la sirène, femme-oiseau écartelée dont les membres distendus, pris dans des lianes, se terminent par des feuillages. À droite, un décor très dégradé où l’on pense reconnaître des hommes luttant contre des serpents et autres bêtes sauvages.

Visite intérieure

église de Saint-Julien-du-Serre, intérieur : l'abside
chapiteau de la nef

Restaurée en 1984, la nef construite en très bel appareil de grès est divisée par un arc doubleau qui s’appuie sur des colonnes engagées aux chapiteaux sculptés. À gauche, ce sont deux rapaces aux ailes déployées, à droite deux acrobates nus soutiennent le tailloir de leurs pieds. Mais on peut y voir aussi, une fois encore, le thème de l’homme renversé, symbole de sa déchéance.

L’abside constitue la partie la plus soignée et la plus ornée de l’édifice. Elle s’ouvre sur la nef par un large arc en plein cintre qui est reçu par des colonnes engagées coiffées de chapiteaux historiés. Celui de gauche représente l’Annonciation. À droite, les choses sont moins simples. Un homme nu semble s’échapper de la gueule d’un superbe dragon ailé qui retient encore sa jambe droite. Est-ce l’évocation de Jonas rejeté, au bout de trois jours, par le mystérieux poisson qui l’avait avalé ? On sait que c’est un symbole de la Résurrection. Sur la face latérale de ce même chapiteau, un personnage tranquillement assis, dans une attitude apaisée, veut peut-être montrer l’homme sauvé du Mal. Annonciation et Résurrection, le message présenté aux fidèles à l’entrée du chœur se veut empreint d’espérance.

À remarquer encore que la chapelle sud du xvie siècle porte, sculptées à la clef de voûte et sur les culots des arcs d’ogive, les armes de Jacques Chambon, juge royal du Vivarais, qui a dû en financer la construction. Au fond de la nef, la restauration a permis la découverte d’un fragment de litre funéraire portant le blason du maréchal d'Ornano, décédé en 1626. Enfin, un décor peint du xviiie ou du début du xixe siècle a été révélé par le nettoyage de l’abside et restauré dans le cul-de-four.

église de Saint-Julien-du-Serre, intérieur : le chapiteau de l'Annonciation église de Saint-Julien-du-Serre, intérieur : chapiteau église de Saint-Julien-du-Serre, intérieur : chapiteau

Les chapiteaux de l'arc de tête de l'abside

Bibliographie

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Paul Bousquet