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LABEAUME
Découverte du plateau - Hameau de Chapias

Maison sur le plateau de Labeaume

Sur le plateau de Labeaume, la maison de M. et Mme Chalivet

Ce jeudi 20 avril, par une belle journée ensoleillée, la Société de Sauvegarde est accueillie par l’association Dolmens et Patrimoine de Labeaume. (http://dolmensetpatrimoine.fr) Près de 70 participants étaient invités à découvrir quelques « curiosités » du plateau de Labeaume sous la conduite de Paul Dupland, président, et de Claude Rigollot, vice-président, ainsi que le hameau de Chapias sous la conduite de Jean-Claude Fialon, membre de l’association.

Sur le plateau de Labeaume

Le matin, nous sommes chaleureusement accueillis par M. et Mme Chalivet dans leur belle propriété haut perchée sur le plateau. Leur demeure est un bel exemple de ces robustes et imposantes maisons de pierre bâties à l’époque où la sériciculture, ou élevage du ver à soie, constituait l’une des principales activités du Bas-Vivarais. À l’intérieur, on lit une date gravée sur une colonne en pierre : 1826. Un bel escalier, une vaste cheminée, une rosace au plafond, tout cela travaillé dans la pierre, témoignent du savoir-faire des bâtisseurs. À l’extérieur, M. et Mme Chalivet nous font découvrir l’ingéniosité dont ont dû faire preuve les anciens pour recueillir l’eau de pluie indispensable aux hommes, aux animaux et aux cultures. Dirigée grâce à la pente du rocher (impluvium) vers un vaste puits-citerne aménagé dans une faille, l’eau était ensuite déversée grâce à un réseau de rigoles taillées dans la pierre dans des petits bassins de puisage appelés « gourgues » judicieusement répartis dans l’ancien jardin édifié sur une dalle. Paul Chalivet estime à plus de 90 m3 sa réserve d’eau.

impluvium

Impluvium
On choisissait une grande surface de rocher légèrement en pente pour recueillir l'eau de pluie que l'on conduisait vers une citerne souterraine.

impluvium

(Propriété Chalivet)


gourgue

Une gourgue (Propriété Chalivet)

Sur le plateau de Labeaume

Quelques centaines de mètres à pied au-delà nous permettent ensuite d’apprécier le formidable travail et l’énergie développés par les anciens paysans du lieu pour libérer quelques arpents de terres cultivables, n’hésitant pas à « casser du rocher » avant d’accumuler d’impressionnants tas de pierres ou « clapas » en forme de murs et de tours aux contours réguliers : manifestement, on a eu le souci du beau dans ce pénible travail d’épierrement.

Bande de terre cultivable récupérée en brisant la roche

Bande de terre cultivable récupérée en brisant la roche et, à droite, le mur d'épierrement de plusieurs dizaines de mètres de longueur, formé par les pierres résultant de ce dérochement. (Propriété Chalivet)

plumadou

Un plumadou (Propriété Chalivet)

Le groupe

Une partie du groupe écoutant attentivement Claude Rigollot qui nous explique les particularités d'ordre géologique du plateau de Labeaume

Au cours de nos déplacements sur la propriété, nous empruntons des escaliers en pierre bâtis ça et là, et remarquons un plumadou. Il s’agit d’un moulin formé d’une meule tronconique en pierre qui roulait dans une cuve circulaire, destiné à « plumer », c’est-à-dire à enlever l’enveloppe des céréales, en particulier de l’orge. Plus tard on s’en servit pour écraser les olives. Autant de témoignages d’un passé à jamais révolu !
Pendant la visite, Paul Dupland et Claude Rigollot nous donnent quelques indications sur la géologie des lieux à propos de la karstification des calcaires du plateau.

Cette enrichissante matinée prend fin avec un rafraîchissement très apprécié, offert par nos hôtes que nous remercions pour leur chaleureux accueil.

Nous gagnons ensuite le mas de l’Abeille où nous prenons notre repas tiré du sac. C’est aussi l’occasion de visiter cette demeure remarquable à la fois par son architecture et par l’histoire qu’elle évoque. L’Abeille était une importante exploitation agricole aux multiples bâtiments et dont l’existence remonterait d’avant le XVe siècle. Elle connut une intense activité pendant la grande époque de la sériciculture, mais on cultivait aussi la vigne, l’olivier, le figuier, les céréales… Elle possédait quatre aires de battage. On y pratiqua aussi l’élevage de moutons et de chèvres. Depuis 1962, elle est la propriété d’une chorale parisienne, les Petits Chanteurs de saint Louis, qui viennent régulièrement y séjourner.

Le mas de l'Abeille Le mas de l'Abeille la terrasse

Le mas de l'Abeille, sur le plateau de Labeaume

Après la pause-repas, nous prenons la direction du Serre du Pigeonnier, site de la plus grande nécropole dolménique du plateau de Labeaume (32 dolmens à ce jour répertoriés). Un petit parcours sous la conduite de Paul et de Claude permet d’en découvrir quelques uns (parfois fort dégradés !). Vieux de près de 4 500 ans, ces mégalithes sont des chambres funéraires collectives du type caussenard. Chacun est constitué d’une chambre rectangulaire limitée par quatre dalles : une dalle de couverture reposant sur trois dalles verticales, dalle de chevet et dalles latérales, et une dalle de fermeture. Cet ensemble était enseveli sous un tumulus circulaire formé de matériaux pierreux bien souvent disparu pour des causes diverses.

dolmen dolmen

Dolmens de la nécropole de l'Abeille

C. Rigollot présente un dolmen

C. Rigollot présente un dolmen dont subsiste une partie du tumulus

Longtemps ignorés et négligés par la population, quand ce n’est pas détruits, ces monuments ont fait l’objet à la fin du XIXe siècle des premières études sérieuses dont il reste peu de traces écrites. Il faut attendre les années 1960 et au-delà pour que le docteur Lafforgue et son équipe, avec la participation de quelques habitants du pays, entreprennent l’étude et le recensement des dolmens du plateau (à ce jour, 138 dolmens ont été recensés sur la commune, ce qui semble constituer un record). Les fouilles ont livré des restes d’objets manufacturés tels que des éléments de parure, des objets personnels ou des objets liés plus spécialement aux rites funéraires. Certains de ces objets sont exposés au musée de la Préhistoire à Orgnac-l’Aven.

Chapias

Nous gagnons ensuite Chapias où nous sommes accueillis par Jean-Claude Fialon qui sera notre guide dans ce hameau dont quatre sites ont marqué l’histoire : la maison des abbés Sévenier, le rocher des Curés, l’église, la tour de la Vierge.
Nous commençons par la visite de l’église placée sous le vocable de Notre-Dame de Délivrance et où Jean-Claude nous raconte l’histoire, pleine de « suspense », des abbés Sévenier, l’oncle et le neveu, prêtres à Valgorge lorsqu’éclate la Révolution française. Ayant refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé, les deux prêtres, recherchés par les soldats républicains, furent contraints de se cacher à Chapias pendant plusieurs années, se réfugiant dans un rocher creux situé à quelques centaines de mètres du hameau lorsque leur vie était menacée. Dans ces moments difficiles, ils étaient ravitaillés par les habitants qui leur passaient des vivres par une ouverture naturelle dans le rocher. En définitive, malgré plusieurs chaudes alertes, ils échappèrent à la mort. Ayant fait le vœu de bâtir une chapelle s’ils avaient la vie sauve, ils tinrent parole et, en 1814, eut lieu la messe inaugurale au cours de laquelle un miracle survint. À la suite de cet événement, un pèlerinage s’instaura qui attirait chaque année beaucoup de monde. Les pèlerins empruntaient un sentier sur le plateau, appelé, depuis, « le sentier des pèlerins ».

Chapias : Le rocher des cur�s

Chapias : Le « rocher des curés »

Jean-Claude nous décrit ensuite les différentes phases de la construction de la chapelle et de l’église, commentant avec érudition les tableaux, les statues, les vitraux, l’autel. Dans le hameau, il nous montre la maison familiale des abbés, puis nous conduit au fameux rocher des Curés où certains d’entre-nous n’hésitent pas à tester le confort des lieux… pendant quelques minutes ! En fait, le rocher n’est qu’une partie d’un ensemble karstique tout à fait intéressant par ses formes étranges, résultat de l’action de l’eau sur la roche calcaire. Pendant notre périple, nous apercevons, à quelques centaines de mètres de là, la tour surmontée d’une statue de la Vierge portant l’enfant Jésus dans ses bras. Cette tour, que l’on peut visiter en gravissant une cinquantaine de marches, fut bâtie en 1884 sur le point le plus élevé de la commune et domine une vingtaine de clochers à la ronde.

Cette belle journée s’achève par la visite d’un « jardin suspendu »’ accroché à la falaise de la rivière Beaume. Autrefois, de nombreux jardins de ce type existaient dans les gorges de la rivière. Ils sont de nos jours laissés à l’abandon, rares sont ceux encore accessibles, et il est à parier que celui que nous visitons ne le soit plus à très brève échéance.* Pour parvenir à celui-ci, il nous faut descendre prudemment un interminable escalier fait de marches de hauteurs inégales, aménagé à flanc de falaise… et qu’il nous faudra remonter ensuite ! Mais quelle récompense une fois arrivé en bas !

Grâce à cette promenade-découverte sur le plateau, « Dolmens et patrimoine » a vivement intéressé les participants à ce qu’il subsiste des créations des bâtisseurs d’autrefois. Les richesses du plateau de Labeaume doivent être préservées, c’est l’un des objectifs de l’association. Si l’on n’y prend garde, elles risquent en effet de disparaître, victimes de leur âge mais aussi de l’indifférence des hommes. Aussi, devons-nous être reconnaissants envers M. et Mme Chalivet qui, non seulement ont remarquablement et courageusement remis en valeur leur propriété pendant longtemps envahie par une végétation sauvage, mais aussi nous en font profiter.

Il faut remercier également notre ami Michel Rouvière pour ses explications toujours judicieuses qui nous ont accompagnés durant toute cette journée.

Texte : Claude Rigollot, Jean-Pierre Huyon
Photos : Paul Bousquet, Jean-Pierre Huyon
(Visite de la Sté de Sauvegarde avril 2006)

*Depuis la rédaction de ce texte, les jardins suspendus du Récatadou ont été remarquablement restaurés.
On en trouvera ici une présentation détaillée.

 

Quelques images supplémentaires
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