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Montpezat-sous-Bauzon

Le village - La famille Flandin - Le château de Pourcheyrolles - L'ancienne église N.-D. de Prévenchères

Le 2 octobre 2004, la visite-conférence de notre Société a eu lieu à Montpezat. Le thème de la journée, qui s'est déroulée sous un beau soleil, était : Montpezat au Moyen Âge et à la Renaissance, avec un accent particulier sur le château de Pourcheyrolles et ses constructeurs, les cardinaux Flandin.

L'accompagnement et les commentaires en étaient assurés par Laurent Haond, enfant du pays qui, malgré d'accaparantes fonctions de cadre supérieur, a fait de nombreuses recherches sur l'histoire locale et qui est l'auteur des trois ouvrages : Les Pavés de la Côte du Pal, Promenade au Pays de Montpezat vers 1900 et Les quatre saisons de la Montagne ardéchoise.

En écoutant Laurent Haond En écoutant Laurent Haond

En écoutant Laurent Haond

Montpezat - Vestiges du château des Montlaur

Vestiges du château des Montlaur (Cliché S. Delubac)

Laurent entamait la journée en évoquant la vie et le développement du village au cours du Moyen Âge, puis, après le repas qui suivait l'Assemblée Générale, passionnait l'auditoire avec une brillante conférence sur Pourcheyrolles et la famille Flandin. On se dirigeait ensuite, toujours sous sa conduite, vers la Ville Basse qui, au pied des ruines du château féodal de Montlaur, regroupe le plus ancien habitat de l'agglomération montpezatienne.

Montpezat

Montpezat fait partie des villages qui se sont développés au pied de la barrière de montagnes que constitue la Haute-Cévenne. C'est une zone de frontière géographique et climatique entre le Bas-Vivarais méditerranéen et la Montagne aux hivers rigoureux. Dès le Moyen Âge, Montpezat se posa comme un pivot entre ces deux régions, devenant un entrepôt-relais et une étape obligée pour les muletiers et les marchands.

Au Haut Moyen Âge, quelques villæ étaient installées sur les meilleures terres. Un prieuré de l'abbaye Saint-Chaffre du Monastier s'organise entre le ixe et le xie siècle à Prévenchères. Au xie siècle, un château est construit au-dessus du confluent des deux vallées de la Fontaulière et de la Pourseille. Un bourg castrai s'agglomère autour de ce premier donjon. Au xiiie siècle, Montpezat est déjà un bourg de première importance avec une population diffuse tant autour du château que dans les nombreux hameaux.

La maison forte La maison forte, détail

La Maison forte

C'est alors que le castrum se dépeuple au profit de la Ville-Basse installée à ses pieds et que se développe la Ville-Haute, voies de passage obligées vers le Plateau.

Maison de la ville basse Maison de la ville basse Maison de la ville basse

Le long de la rue de la ville basse

La vieille rue de la Ville-Basse a subi de nombreuses mutilations ou démolitions, mais il y reste cependant de belles façades avec portes romanes ou gothiques, des voûtes, des fenêtres à meneaux. Sur la petite place, on peut admirer une maison forte qui a des allures de gentilhommière avec sa belle tour Renaissance en pierre volcanique. Elle fait face à une croix historiée, dite de la Peste et à une petite chapelle surmontée de ce qui fut une étude de notaires aux xve et xvie siècles.

La famille Flandin

La famille Flandin est présente aux xiiie et xive siècles dans le Massif Central. La plus ancienne mention du nom date de 1233 à Villefort. Au xive siècle, il existait une dynastie notariale Flandin à Génolhac et, en Ardèche, on trouve des Flandin à Aubenas en 1338 et à Ucel en 1366. On suppose, mais ce n'est qu'une hypothèse, que les Flandin seraient arrivés à Montpezat au milieu du xiiie siècle. Guillaume et Pierre Flandin y possèdent deux maisons dans l'enceinte du château en 1300.

Le cardinal Pierre Flandin, sans doute le fils de Pierre, est doué de qualités extraordinaires qui l'ont mené de Montpezat aux plus hautes sphères du pouvoir spirituel et temporel au Moyen Âge. Né entre 1310 et 1320, sans doute à Montpezat et non à Borée comme on le dit souvent, il fait preuve d'une intelligence supérieure. En 1364, il est déjà docteur en droit canonique et il sera toute sa vie l'un des plus grands juristes de son temps. Chanoine de la cathédrale de Viviers et référendaire du Pape Urbain V, il perçoit des bénéfices dans la région de Tours et d'Angers. En 1365, il s'occupe des statuts de l'Université de Montpellier et devient en 1370 secrétaire particulier du pape. En 1371, Grégoire XI le nomme cardinal et le charge de missions délicates en matière de doctrine. En 1375-76, nommé légat du pape dans les États pontificaux en Toscane, il jouit de pouvoirs considérables.

Pendant le grand schisme qui a suivi le décès de Grégoire XI en 1378, Pierre Flandin appartenait au « parti français », dont il était le candidat au conclave de 1378. Mais, sous la pression du peuple de Rome qui veut un pape italien, les cardinaux élisent en avril 1378 Urbain VI, archevêque de Bari. Un nouveau conclave élit, en août 1378, un autre pape, Clément VII, qui se fixe à Avignon, alors qu'Urbain VI siège à Rome. Le 17 janvier 1381, Pierre Flandin rédige son testament dans lequel il affirme que Clément VII est le seul pape légitime et meurt dans sa livrée (résidence cardinalice) d'Avignon le 23 janvier 1381. Il est enterré dans le chœur de la cathédrale de Viviers. Son tombeau est détruit par les huguenots en 1564, mais sa dépouille est retrouvée dans la crypte en 1606.

Son frère cadet Jean et son neveu Guigon continueront son œuvre. Jean Flandin, chanoine du Puy, docteur en droit canon et professeur de l'Université d'Angers (1373-1378), puis chanoine de la cathédrale de Viviers, est nommé archevêque d'Auch en 1379. Après la mort de son frère Pierre, il est attaché spécialement à la personne de Clément VII qui le nomme cardinal en 1390. Clément VII, après son décès, est remplacé par Benoît XIII auquel Jean Flandin restera attaché toute sa vie. En février 1395, il est l'un des deux seuls cardinaux qui le soutiennent dans sa position. Son neveu, Guigon Flandin, est l'un des principaux rédacteurs, en tant que docteur en droit canon, de l'« épître toulousaine » qui lui vaut d'être livré par l'Université de Paris au bras séculier pour crime d'hérésie, sacrilège, lèse- majesté. Condamné en 1406, il réussit à fuir de Paris de nuit. Après de multiples péripéties, c'est à Perpignan que serait décédé le cardinal Jean Flandin, demandant à être enseveli dans la cathédrale de Viviers. Pour sa part, Guigon Flandin se retire auprès du comte d'Armagnac et meurt à Barcelone le 30 juillet 1421 à l'âge de 55 ans.

La fortune des Flandin est alors éclatante grâce à la protection des Montlaur et de brillantes alliances avec la noblesse régionale aux xive et xve siècles. La famille achète un titre de noblesse ou se le voit octroyer après 1370 avec l'avènement du cardinalat. C'est l'époque de la construction du château de Pourcheyrolles, signe visible du pouvoir et de la richesse de la famille. Mais avec le début du xvie siècle, les Flandin, qui n'ont plus assez d'argent ni de prestige pour se permettre de grandes alliances familiales, se marient localement avec la petite noblesse ; les cadets font des alliances avec la bourgeoisie locale. En 1760, Marie Anne Flandin, fille unique, épouse un de Fages de Chaulnes, originaire de Langogne. Veuve, elle délaisse Montpezat pour Langogne vers 1760 et son lointain héritier Jules de Chaulnes vend la propriété de Pourcheyrolles en 1890. C'est la fin du patronyme Flandin à Montpezat, mais les branches cadettes ont perduré jusqu'à aujourd'hui (Normandie et Allier) et la descendance des premiers Flandin est encore présente dans la région.

Le château de Pourcheyrolles

Le château de Pourcheyrolles, dont la construction est commencée vers 1360/70, est pour la première fois mentionné en 1378. Le cardinal Pierre Flandin y réside peu car souvent en mission, sauf peut-être à la fin de sa vie, quand il vit à Avignon auprès du pape. À l'image des grands travaux du Palais des Papes, Pierre Flandin fera créer à Pourcheyrolles un palais fastueux s'inspirant des mêmes règles architecturales. Le château, doublé d'une solide forteresse, fait aussi partie d'une ceinture de lieux fortifiés, très loin vers l'ouest, qui doivent prévenir des incursions des bandes de routiers.

Montpezat-sous-Bauzon : Le site de Pourcheyrolles

Le site de Pourcheyrolles

Le site de Pourcheyrolles, que les participants ont pu admirer dès le début de la journée depuis un belvédère d'où l'on jouit d'un beau point de vue, était considéré au xixe siècle comme « un des sites les plus extraordinaires du Vivarais » (A. Joanne - Géographie de l'Ardèche - 1881) et deux affiches du PLM l'ont pour sujet ; il est malheureusement méconnu aujourd'hui. Les deux rivières de Montpezat, Fontaulière et Pourseille, ont taillé des gorges dans le plateau basaltique laissant à leur confluent un éperon étroit, bordé de très belles orgues, sur lequel se dressent les ruines du château.

Affiche PLM

Affiche PLM représentant le site de Pourcheyrolles

Vestiges du château de Pourcheyrolles

Vestiges du château de Pourcheyrolles

Le domaine est d'origine médiévale (xiie-xiiie) et c'est l'une des meilleures terres de Montpezat. La maison forte est une demeure fastueuse pour l'époque avec un grand souci de l'apparat. La distribution interne comporte deux tours, deux blocs desservis par une galerie et un troisième bloc pour les communs. Il y a une recherche certaine dans le symbolisme des sculptures et l’extraordinaire diversité des ébrasements de fenêtres et portes. Des aménagements et des réparations ont été faits au xvie siècle (fenêtres à meneaux) et au xviie (construction de la galerie).
Les deux tours avaient des couvertures en pierres détruites vers 1960. La première tour comporte un escalier à vis et l'entrée principale en arc à ogives avec claveaux sculptés. On y voit une large fenêtre à meneaux surmontée du blason des Flandin.

Vestige d'une cheminée dans le château de Pourcheyrolles
Montpezat-sous-Bauzon : Vestige dans le château de Pourcheyrolles Montpezat-sous-Bauzon : Vestige dans le château de Pourcheyrolles

Château de Pourcheyrolles

La deuxième tour est un simple réduit au rez-de-chaussée, avec un espace de garde à l'étage. Après l'entrée et l'escalier à vis, se trouve un grand couloir surmonté d'une galerie, sans doute ouverte au premier étage pour desservir les grandes pièces qui communiquaient entre elles mais étaient aussi indépendantes, ce qui est exceptionnel pour l'époque

Le premier bloc montre au rez-de-chaussée une salle des festins ou grand tinel avec les traces d'une cheminée et un grand coussiège ; au premier étage, une chambre de parement ou de grande réception (une cheminée portait autrefois les écus timbrés du chapeau à 15 houppes) avec des corbeaux sculptés et de grands coussièges et au deuxième étage des chambres avec de petits coussièges. Le second bloc comporte une salle de gardes au rez-de-chaussée, une petite salle de réception au premier étage et d'autres chambres au deuxième étage. Le troisième bloc s'écroule en grande partie vers 1890. On y voit encore les traces d'une cuisine et d'une citerne avec voûte en arête au rez-de-chaussée et de logements de familiers et de serviteurs, ainsi que des latrines aux étages.

Le fort est contemporain de la maison forte. Devancé par un large fossé creusé dans le basalte, il a été construit au point le plus vulnérable. Il était formé d'un gros donjon rectangulaire de deux étages avec une grande porte avec herse et pont-levis. Il était occupé par des écuries, des salles de garde et par la chambre du capitaine et les cantonnements de la garnison.

À l'issue de cette belle journée, les participants ont découvert la riche histoire du bourg de Montpezat et l'un des joyaux de son patrimoine que la plupart d'entre eux ignoraient quelques heures avant. « Pour vivre heureux, vivons cachés » devrait-elle être sa devise ? Pour ce qui est de Pourcheyrolles, un jour Fontaulière et Pourseille décideront, car les falaises basaltiques reculent inexorablement, les restes de construction sont maintenant au bord du précipice, et puis, à terme ...

Guy Delubac, d'après des textes de Laurent Haond et Félix Eschalier
(Visite-conférence octobre 2004)